LP11 : Gaz réels, gaz parfait

Dans le modèle du gaz parfait on se place sous les hypothèses suivantes :

cela permet d’aboutir à l’équation d’état des gaz parfaits :

P V = n R T = N k T\textrm{,}

mais les hypothèses du modèle, bien que simplificatrices, semblent peu réalistes. D’ailleurs, l’expérience montre parfois des écarts avec l’équation d’état des gaz parfaits.

Lesquels ?

L’objectif de cette leçon et de mener une étude similaire à celle faite sur les gaz parfaits, mais en modifiant les hypothèses pour les rendre plus proches de l’idée qu’on se fait de la réalité. On verra que le traitement mathématique est plus lourd, mais que les résultats sont plus conformes à l’expérience : c’est ce qui nous importe le plus.

Un regard critique sur les hypothèses du gaz parfait

Volume des particules

Interaction entre les particules

Les particules dans un gaz interagissent entre elles par des interactions électrostatiques et gravitationnelles. L’expérience montre que le potentiel d’interaction entre deux particules peut-être modélisé par la forme empirique :

u_p(\rho) u_0 \qty[\qty(\frac{d}{\rho})^{12} - \qty(\frac{d}{\rho})^6]\textrm{,}

u_0 et d sont des constantes d’ajustement, ce potentiel porte le nom de potentiel de Lennard-Jones.

Le terme en puissance 6 est attractif et dominant à grande distance : il correspond aux interactions de cohésion du milieu. Le terme en puissance 12 est répulsif et dominant à courte portée : il correspond aux chocs qui empêchent les particules de partager une même zone de l’espace.

Théorie cinétique des gaz [1] [2]

Formalisme statistique : fonction de partition

On choisit de décrire un ensemble de particules classiques (mécanique newtonienne, pas de spin) dans l’ensemble canonique : le système de volume V contient N particules et est en contact et en équilibre avec un thermostat de température T. Les particules sont identiques de masse m et très nombreuses (N \gg 1.)

L’énergie interne du système s’écrit :

E(\vb{r}, \vb{v})
  = \sum_{i=1}^N\qty[\frac{1}{2} m \vb{v}_i^2] + E_p(\vb{r})\textrm{,}

E_p(\vb{r}) correspond à la somme des énergies potentielles de toutes les particules : prendre E_p = 0 revient à faire l’hypothèse du gaz parait.

La description du système dans le cadre de la physique statistique va permettre de définir et calculer les grandeurs thermodynamiques habituelles : T, P, F, U, S, \mu à partir de E(\vb{r}, \vb{v}). On rappelle ici que toutes ces grandeurs s’expriment simplement avec la fonction de partition du système :

Z \defeq \frac{1}{N!}\frac{1}{h^{3N}}
    \idotsint e^{\frac{-1}{k T} E(\vb{r}, \vb{v})}
    \; \dd^{3N}\vb{r} \; \dd^{3N}\vb{v}\textrm{.}

Les résultats connus sur le gaz parfait permettent de calculer une partie de Z :

\begin{align*}
    Z
    &= \frac{1}{N!}\frac{1}{h^{3N}}
        \idotsint
        e^{\frac{-1}{k T} \sum_{i=1}^N \frac{1}{2} m \vb{v}_i^2}
        \; \dd^{3N}\vb{v}
        \idotsint
        e^{\frac{-1}{k T} E_p(\vb{r})}
        \; \dd^{3N}\vb{r}
    \\
    &= \frac{1}{N!}
        \qty(\frac{2\pi m k T}{h^2})^{\frac{3N}{2}}
        \idotsint
        e^{\frac{-1}{k T} E_p(\vb{r})}
        \; \dd^{3N}\vb{r}
    \\
    &= Z_{GP} \idotsint e^{\frac{-1}{k T} E_p(\vb{r})} \; \dd^{3N}\vb{r}
\end{align*}

pour déterminer Z on doit donc préciser E_p(\vb{r}).

Énergie potentielle due aux interactions

Énergie potentielle de paires

On a déjà discuté du potentiel de Lennard-Jones qui donne l’énergie potentielle d’interaction entre deux particules. Dans notre formalisme, il s’écrit :

u_p(\rho) = u_p(\norm{\vb{r}_i - \vb{r}_j})
            = u_p(\rho_{ij})\textrm{.}

On pourra considérer que l’énergie totale due aux interactions correspond à la somme des énergies d’interactions de paires :

E_p(\vb{r}) = \frac{1}{2} \sum_{i=1}^N \sum_{j \neq i}^N u_p(\rho_{ij})\textrm{,}

mais cette écriture fait l’hypothèse que les particules se rencontre souvent à deux et rarement à trois, quatre ou plus ([1], chap. III. G. II. 1. 2).

Approximation de champ moyen

Étant donné le nombre important de particules le calcul précédent devient diffile à mener. S’il est possible de le faire réaliser par un ordinateur on propose ici une approximation de champ moyen.

On considère la particule 1, son énergie potentielle est :

e_{p,1}(\vb{r}_1, \vb{r}) = \sum_{j \neq 1}^N u_p(\rho_{1j})\textrm{.}

Les N-1 autres particules sont réparties dans le volume de manière uniforme en moyenne, on considère alors que l’énergie e_{p,1}(\vb{r}_1, \vb{r}) ne dépend que de \vb{r}_1, et pas de \vb{r} :

e_{p,1}(\rho_{1j}) = e_{p,1}(\vb{r}_1)
  \qq{alors}
  E_p(\vb{r}) = \frac{1}{2} \sum_{i=1}^N e_{p,i}(\vb{r}_i)\textrm{.}

Comme on peut faire un raisonnement identique pour toutes les particules, nous allons pouvoir poser fonctionnellement : e_p = e_{p,i} le potentiel de champ moyen (mais e_p(\vb{r}_1) \neq e_p(\vb{r}_2)).

Reprenons le calcul de la fonction de partition :

\begin{align*}
    Z
    &= Z_{GP}
        \idotsint
        e^{\frac{-1}{k T} E_p(\vb{r})} \; \dd^{3N}\vb{r}
    \\
    &= Z_{GP}
        \prod_{i=1}^N\qty(\iiint
        e^{\frac{-1}{2kT} e_p(\vb{r}_i)} \; \dd^{3}\vb{r}_i
        )
    \\
    &= Z_{GP} \qty[
        \iiint e^{\frac{-1}{2 k T} e_p(\vb{r}_1)} \; \dd^{3}\vb{r}_1
        ]^N
\end{align*}

Il se factorise en une forme plus simple, car les N intégrales sur \dd^3\vb{r}_i sont identiques, en particulier à celle sur \dd^3\vb{r}_1. Nous devons encore donner une forme au potentiel de champ moyen e_p.

Forme du potentiel de champ moyen

Notre forme pour E_p(\vb{r}) vient de l’approximation selon laquelle la particule i voit l’ensemble des autres particules comme réparties uniformément. En conséquence, mis à part sur les bords, l’énergie potentielle qu’elle ressent devrait être uniforme : e_p(\vb{r_1}) = e_0 = \cst et dans ce cas l’intégrale \iiint donne un nombre proportionnel au volume V.

Seulement nous voulons tenir compte des effets à très courtes distances entre particules issus du potentiel de Lennard-Jones.

Pour modéliser la forte répulsion existante lorsque la particule 1 s’approche trop près d’une autre particule, on considère que la valeur de e_p(\vb{r_1}) devient infinie dans une région délimitée autour des autres particules. C’est-à-dire que l’intégrale \iiint va donner un nombre proportionnel à un volume V - V_{ex}, la quantité V_{ex} correspondant au volume, dit volume exclu, interdit à la particule 1 en raison des répulsions :

\begin{align*}
    Z
    &= Z_{GP} \qty[
        \iiint_V e^{\frac{-1}{2 k T} e_p(\vb{r}_1)} \; \dd^{3}\vb{r}_1
        ]^N
    \\
    &= Z_{GP} \qty[
        \iiint_{(V-V_{ex})} e^{\frac{-e_0}{2 k T}} \; \dd^{3}\vb{r}_1
        ]^N
    \\
    &= Z_{GP} \qty[(V-V_{ex}) e^{\frac{-e_0}{2 k T}}]^N
\end{align*}

Les grandeurs V_{ex} et e_0 sont à déterminer. On peut le faire expérimentalement, mais un raisonnement ([1], [2]) sur la notion de volume exclu montrera que :

Grandeurs thermodynamiques

Transition liquide-gaz