LP15 : Transitions de phase

Prérequis :

Évolution d’un corps pur lors d’un changement d’état

Potentiels thermodynamiques

On considère ici un corps pur dans des conditions expérimentales où la pression P et la température T sont fixées. Nous avons déjà vu que lors de l’étude d’un tel système thermodynamique la fonction enthalpie libre externe G^\ast renseigne à la fois sur les conditions d’équilibre et le sens d’évolution. Rappelons alors qu’elle est définie par :

G^\ast \defeq F^\ast + P_0 V
         = U - T_0 S + P_0 V\textrm{,}

et qu’elle varie selon :

\Delta G^\ast = \Delta(U - T_0 S + P_0 V)\leq 0

et que, pour des transformations où l’état initial et l’état final sont tous les deux des états d’équilibre thermique avec le thermostat, alors la fonction enthalpie libre :

G = U - TS + PV\textrm{,}

joue aussi un rôle de potentiel thermodynamique, en plus d’être fonction d’état.

Comme notre système est diphasé il va être utile d’utiliser la propriété d’extensivité de l’enthalpie libre. On écrit alors G_s l’enthalpie libre de la phase solide et G_l l’enthalpie libre de la phase liquide, puis : G = G_s + G_l. On introduit les grandeurs molaires avec des notations usuelles de sorte que :

G(T, P, n) = n_s g_s(T, P) + n_l g_l(T, P)

Attention, cette décomposition n’est possible lorsqu’on néglige les effets d’interactions au niveau de l’interface. On peut le faire pour un système où les deux phases sont séparées en deux grands volumes, mais pas pour des mousses. Les énergies associées à la surface peuvent être liées à la tension de surface ou…

Évolution et équilibre

Condition d’évolution

La condition d’évolution spontanée (ou d’équilibre) est donnée par :

\begin{align*}
    \dd G
    \leq 0
    &\implies
    g_s(T, P) \dd n_s + g_l(T, P) \dd n_l
    \leq 0
    \\
    &\implies
    \qty[g_s(T, P) - g_l(T, P)] \dd n_s
    \leq 0
\end{align*}

donc,

La notation des dépendances (T, P) est un peu lourde, mais essentielle. La condition d’équilibre donnée par l’égalité des enthalpies libres molaires à T_{eq} et P_{eq} de l’expérience donne implicitement une relation P_{eq} = \fof(T_{eq}) qui, lorsqu’elle est vérifiée, correspond à l’état d’équilibre ; réciproquement, dans l’état d’équilibre elle est vérifiée.

L’enthalpie libre molaire

Nous avons introduit deux nouvelles grandeurs thermodynamiques pour décrire chaque sous-système. La condition d’évolution (ou d’équilibre) suggère que pour connaître l’état du système complet à une température et une pression données il faut comparer g_s(T, P) à g_l(T, P), seulement, nous n’avons aucune idée des valeurs que prennent ces grandeurs.

Leurs valeurs vont de toute façon être tabulées de sorte qu’elles soient cohérentes avec l’étude que nous avons menée. Mais nous allons voir tout de suite que leurs dépendances à T et P ne sont pas arbitraires.

Pour la phase solide, les variations de l’enthalpie libre molaire g_s sont données par (on utilise les grandeurs molaires par extensivité) :

\begin{align*}
    \dd g_s
    &= \dd(u_s - T_0 s_s + P_0 v_s)
    \neq \dd u_s - T_0 \dd s_s + P_0 \dd v_s
    \\
    &= \dd u_s - s_s \dd T_0 - T_0 \dd s_s + P_0 \dd v_s + v_s \dd P_0
    \\
    &= \dd u_s - s_s \dd T - T \dd s_s + P \dd v_s + v_s \dd P
    \qq{(quasi-statique)}
    \\
    &= T \dd s_s - P \dd v_s - s_s \dd T - T \dd s_s + P \dd v_s + v_s \dd P
    \qq{(id thermo)}
    \\
    &= - s_s \dd T + v_s \dd P
\end{align*}
Variation avec T_0

On fait varier la température extérieure T_0, toute en assurant l’équilibre thermique T = T_0. Dans ce cas :

\pdv{g_s}{T} = -s_s
  \qq{et}
  \pdv{g_l}{T} = -s_l\textrm{.}

L’entropie molaire est :

ce qui est résumé graphiquement ci-dessous. Comme le système évolue toujours vers l’état d’énergie libre minimale, la phase stable aux températures T > T_{eq} est la phase liquide (et inversement).

Variation avec P_0

Le même calcul, mais en faisant varier la pression extérieure P_0, va donner :

\pdv{g_s}{P} = v_s
  \qq{et}
  \pdv{g_l}{P} = v_l\textrm{,}

le volume molaire étant toujours positif, l’enthalpie libre molaire est croissante avec la pression. Le volume molaire de la phase liquide est en général plus grand que celui de la phase solide, mais ça n’est pas le cas de l’eau.

Calculer les dérivées secondes pour justifier la concavité/convexité des courbes !

\begin{figure}[H]
    \centering
    \begin{tikzpicture}
        \begin{axis}[
            height = 5 cm,
            width = \linewidth/3,
            axis lines = left,
            ylabel = {$g$},
            ylabel style = {at=(current axis.above origin), rotate=-90},
            xtick={6.7},
            xticklabel={$T_{eq}$},
            xmin=0,
            xmax=11,
            ytick={2},
            ymin=-11,
            ymax=1,
        ]
        \addplot[mark=, dotted] coordinates{(6.7, 0) (6.7, -11)};
        \addplot[domain=1:6.7,color=blue,dashed]
            {-x^2/10};
        \addplot[domain=6.7:10,color=blue]
            {-x^2/10} node[below,pos=.5] {$g_l$};
        \addplot[domain=1:6.7,color=red]
            {-x^1.7/10-2} node[below,pos=.5] {$g_s$};
        \addplot[domain=6.7:10,color=red,dashed]
            {-x^1.7/10-2};
        \end{axis}
    \end{tikzpicture}
    \begin{tikzpicture}
        \begin{axis}[
            height = 5 cm,
            width = \linewidth/3,
            axis lines = left,
            ylabel = {$g$},
            ylabel style = {at=(current axis.above origin), rotate=-90},
            xtick={6.7},
            xticklabel={$P_{eq}$},
            xmin=0,
            xmax=11,
            ytick={-2},
            ymin=-1,
            ymax=11,
        ]
        \addplot[mark=, dotted] coordinates{(6.7, -1) (6.7, 11)};
        \addplot[domain=1:6.7,color=blue,dashed]
            {x^2/10};
        \addplot[domain=6.7:10,color=blue]
            {x^2/10} node[above,pos=.5] {$g_l$};
        \addplot[domain=1:6.7,color=red]
            {x^1.7/10+2} node[above,pos=.5] {$g_s$};
        \addplot[domain=6.7:10,color=red,dashed]
            {x^1.7/10+2};
        \end{axis}
    \end{tikzpicture}
    \begin{tikzpicture}
        \begin{axis}[
            height = 5 cm,
            width = \linewidth/3,
            axis lines = left,
            ylabel = {$g$},
            ylabel style = {at=(current axis.above origin), rotate=-90},
            xtick={6.7},
            xticklabel={$P_{eq}$},
            xmin=0,
            xmax=11,
            ytick={-2},
            ymin=-1,
            ymax=11,
        ]
        \addplot[mark=, dotted] coordinates{(6.7, -1) (6.7, 11)};
        \addplot[domain=1:6.7,color=red,dashed]
            {x^2/10};
        \addplot[domain=6.7:10,color=red]
            {x^2/10} node[above,pos=.5] {$g_s$};
        \addplot[domain=1:6.7,color=blue]
            {x^1.7/10+2} node[above,pos=.5] {$g_l$};
        \addplot[domain=6.7:10,color=blue,dashed]
            {x^1.7/10+2};
        \end{axis}
    \end{tikzpicture}
\end{figure}

Le diagramme de phases

Les graphes précédents permettent de déterminer laquelle des phases est stable à haute (ou basse) température ou à haute (ou basse) pression. Cela permet d’établir une ébauche du diagramme (P, T) de phases, mais nous pouvons facilement calculer la pente de la courbe d’équilibre. En effet, nous avons vu que l’équilibre est donné par g_s(T_{eq}, P_{eq}) = g_l(T_{eq}, P_{eq}) alors si l’on dérive par rapport à la température en restant sur la courbe :

\begin{align*}
    g_s(T_{eq}, P_{eq})
    &= g_l(T_{eq}, P_{eq})
    \qq{avec}
    P_{eq} = \fof(T_{eq})
    \\
    \implies
    \dv{g_s}{T_{eq}}
    &= \dv{g_l}{T_{eq}}
    \\
    \implies
    \pdv{g_s}{T_{eq}} + \pdv{g_s}{P_{eq}} \pdv{P_{eq}}{T_{eq}}
    &= \pdv{g_l}{T_{eq}} + \pdv{g_l}{P_{eq}} \pdv{P_{eq}}{T_{eq}}
\end{align*}

en remplacant les dérivées partielles par les expressions trouvées plus haut, on exprime la pente de la courbe d’équlibre :

-s_s + v_s \pdv{P_{eq}}{T_{eq}} = -s_l + v_l \pdv{P_{eq}}{T_{eq}}
  \implies
  \pdv{P_{eq}}{T_{eq}} = \frac{s_l - s_s}{v_l - v_s}
                       = \frac{\abs{s_l - s_s}}{v_l - v_s}\textrm{.}

c’est la relation de Clapeyron. On retrouve que la pente de la courbe d’équilibre dépend du signe de v_s - v_l qui est en général négatif, mais pas pour l’eau.

Enthalpie de changement d’état

Attention : contrairement à ce qui est annoncé ci-dessous, l’équilibre n’est pas vérifié pour les changements d’états d’un équilibre métastable vers un équilibre stable (mais ne pas en parler, pour le pas compliquer). Dans le cas d’un liquide surfondu (glace à T > \SI{0}{\degreeCelsius}) on aurait g_l < g_s et pas l’égalité.

Tout au long du changement d’état l’équilibre est vérifié et \dd G = 0. Mais pour que le changement d’état ait lieu, il faut apporter ou extraire de l’énergie au système, considérons une liquéfaction (gaz vers liquide) pendant laquelle on extrait de l’énergie au système. Pour nous la fournir le système en puise dans l’agitation thermique qui assure la « mauvaise » cohésion du milieu, c’est cela qui entraîne la variation d’entropie. Bien que l’enthalpie libre reste constante, l’enthalpie varie :

\dd H = \dd G + \dd(TS) = T \dd S\textrm{.}

En somme, lorsque le changement d’état est réalisé complètement :

\Delta_{\textrm{liq}} H = T \Delta_{\textrm{liq}} S
                          = T n (s_l - s_v)
                          = - T n \abs{s_v - s_l}
                          < 0\textrm{,}

ce changement d’état est endothermique, et on appelle enthalpie molaire de vaporisation la quantité positive l_{\textrm{vap}} = T \abs{s_v - s_l}. On écrit alors, pour la solidification :

\Delta_{\textrm{liq}} H = - n l_{\textrm{vap}}\textrm{.}

L’enthalpie molaire de liquéfaction nous renseigne sur la quantité d’énergie par unité de quantité de matière que l’on doit extraire du système pour transformer le liquide en gaz.

On peut s’intéresser à des ordres de grandeur et les comparer à des capacités thermiques molaires et remarquer que les changements d’états mettent en jeu beaucoup d’énergie :

Substance M (\si{\gram\per\mole}) T (\si{\degreeCelsius}) c_{p,l} (\si{\joule\per\kilogram\per\kelvin}) l_{\textrm{vap}} (\si{\joule\per\kilogram}) c_{p,g} (\si{\joule\per\kilogram\per\kelvin})
Eau 18 100 4216 2257e3 2078
Éthanol 115 79 5159 588e3 2899

On définit aussi la grandeur associée, entropie molaire de solidification :

\Delta_{\textrm{liq}} h = h_l - h_v = T (s_l - s_v)
  \implies
  \Delta_{\textrm{liq}} s = \frac{\Delta_{\textrm{liq}} h}{T}\textrm{.}

L’enthalpie molaire de changement d’état l dépend de la température T_{eq} ou de la pression P_{eq} = \fof(T_{eq}).

Donner des ordres de grandeur. Donner un graphe l_{\textrm{vap}}(T) ?

On peut reprendre la formule de Clapeyron :

\pdv{P_{eq}}{T_{eq}} = \Delta h / T \Delta v
                       = l /T \Delta v\textrm{.}

Près du point critique (courbe liquide gaz) on dirait que \pdv*{P_{eq}}{T_{eq}} tends vers l’infini, car les volumes molaires sont de plus en plus proches. Mais il se trouve que les entropies molaires et les enthalpies molaires le sont aussi. Donc il n’y a pas de discontinuité, mais la courbe d’équilibre liquide gaz cesse d’être définie et l’enthalpie de changement d’état est nulle.

Deux types de transitions

Les changements d’état sont du premier ordre, la transition vers le fluide supercritique est du deuxième ordre.

Une expérience intéressante sur la transition supercritique : https://www.youtube.com/watch?v=jMfDBOg8ibY

Une autre transition