LP16 : Facteur de Boltzmann

La physique statistique dans l’ensemble microcanonique permet l’étude de système isolés et fermés. Dans cette leçon nous généralisons vers des systèmes qui peuvent échanger de l’énergie thermique avec un thermostat.

Loi de Boltzmann

Systèmes

On considère un thermostat \tau de température T_\tau d’énergie interne E_\tau, en contact avec le système s de température T = T_\tau d’énergie interne E. Le thermostat est constitué d’un nombre de particules grand devant celui du système (N_\tau \gg N). Puisque l’énergie interne de chaque système est extensives, on pourra dire que E_\tau \propto N_\tau \gg N \propto E.

L’ensemble \mathcal{S} = \{s \cup \tau\} est isolé et a une énergie interne E_\mathcal{S} = E + E_\tau.

Thermostat

La température microcanonique T_\tau^\ast du thermostat s’exprime par :

\frac{1}{T_\tau^\ast} = \eval{\pdv{S_\tau(E_\tau = E_\mathcal{S} - E)}{E_\tau}}_V
                        \approx \eval{\pdv{S_\tau(E_\mathcal{S})}{E_\tau}}_V
                                - E \eval{\pdv[2]{S_\tau(E_\mathcal{S})}{E_\tau}}_V
                        \approx \eval{\pdv{S_\tau(E_\mathcal{S})}{E_\tau}}_V\textrm{,}

on en déduit que T_\tau^\ast est indépendante de l’énergie du système s : le thermostat peut échanger de l’énergie thermique avec s sans que sa température ne varie.

Statistique

Notons (l), (\lambda) les états microscopiques de s, \tau à l’énergie E_l, E_\lambda. Le système \mathcal{S} est décrit par la donnée d’un état (l, \lambda) d’énergie E_\mathcal{S} = E_l + E_\lambda. Comme ce système est isolé, nous pouvons l’étudier à travers une description microcanonique, et ainsi dire que la probabilité de trouver \mathcal{S} dans un microétat (l, \lambda) est :

\mathbb{P}_{(l, \lambda)} = \frac{1}{\Omega_\mathcal{S}(E_\mathcal{S} = E_l + E_\lambda)}\textrm{,}

alors en relachant la contrainte explicite sur l’état (\lambda) de \tau, la probabilité de trouver \mathcal{S} dans un état où s est dans un microétat (l) d’énergie E_l (par conservation de l’énergie, \tau est dans un état quelconque d’énergie E_\mathcal{S} - E_l) est :

\mathbb{P}_{(l)}
  \defeq \mathbb{P}_{(l, \{\forall (\lambda) \suchas E_\lambda = E_\mathcal{S} - E_l)\}}
  = \Omega_\tau(E_\mathcal{S} - E_l) \frac{1}{\Omega_\mathcal{S}(E_\mathcal{S})}\textrm{.}

Vu l’expression statistique de l’entropie nous pourrons écrire :

\mathbb{P}_{(l)}
  = \frac{e^{\frac{S_\tau(E_\mathcal{S} - E_l)}{k_B}}}
         {\Omega_\mathcal{S}(E_\mathcal{S})}
  \approx
  \frac{e^{\frac{S_\tau(E_\mathcal{S})}{k_B}}
            \cdot
            e^{\frac{-E_l \pdv{S_\tau(E_\mathcal{S})}{E_\tau}}{k_B}}
            }
        {\Omega_\mathcal{S}(E_\mathcal{S})}
  = \frac{e^{\frac{S_\tau(E_\mathcal{S})}{k_B}}}
         {\Omega_\mathcal{S}(E_\mathcal{S})}
    \cdot e^{- \frac{E_l}{k_B T}}
  = \frac{1}{Z} e^{- \frac{E_l}{k_B T}}\textrm{.}

Le dernier facteur est le facteur de Boltzmann, la grandeur Z dans le premier est la fonction de partition qui dépend de toutes les contraintes externes.

-À température fixée, la probabilité de trouver un système dans un microétat d’énergie E_l suit une loi en exponentielle décroissante. - Une augmentation de la température favorise la probabilité de trouver le système dans un micoétat de plus haute énergie.

La probabilité de trouver le système dans un macroétat d’énergie E_L est :

\mathbb{P}(E_L)
  \defeq \mathbb{P}_{\{\forall (l) \suchas E_l = E_L\}}
  = \Omega_s(E_L) \frac{e^{-\flatfrac{E_L}{k_B T}}}{Z}\textrm{.}

Expérience de Jean Perrin (1908) [1]

Physicien français au début des années 1900, Jean Perrin consacre une partie de ses travaux à la vérification de l’hypothèse atomique alors controversée. Il cherche à déterminer le nombre d’Avogadro \glssymbol{Na} par plusieurs méthodes expérimentales, espérant trouver des valeurs cohérentes.

L’une des méthodes repose sur l’observation de particules sphériques de caoutchouc végétal en suspension dans une haute éprouvette remplie d’eau et laissée au repos. Perrin a constaté qu’il se réalise un état de régime permanent dans lequel la concentration en sphérules décroît avec la hauteur. Expliquons ce phénomène.

Le principe fondamental de la dynamique, appliqué à une sphérule donne :

\vb{F} = m_s\vb{g} + \vb{\pi}
         = (\rho_s - \rho_u) \frac{4 \pi r_s^3}{3} \vb{g}\textrm{.}

On pourra exprimer l’énergie potentielle de la particule à l’altitude z :

E_p(z) = - \int_0^z{\vb{F}\vu{z}\dd z'}
         = (\rho_s - \rho_e) \frac{4 \pi r_s^3}{3} g z\textrm{.}

En ne considérant que l’énergie potentielle, et vu les résultats de la partie précédente, la probabilité de trouver la particule dans un macroétat d’énergie E_p(z) s’exprime :

\mathbb{P}(E_p(z)) = \frac{\Omega}{Z} e^{-\flatfrac{E_p(z)}{k_B T}}\textrm{,}

où \Omega correspond au nombre de microétats tels que la particule se trouve à l’altitude z. En considérant N_0 particules identiques et indépendantes, le nombre de particules à l’altitude z s’exprime :

N(z) = \frac{N_0 \Omega}{Z} e^{-\flatfrac{E_p(z)}{k_B T}}\textrm{,}

Perrin donne les résultats de mesure, à \SI{20}{\degreeCelsius} pour \rho_s = \SI{1.194}{\kilo\gram\per\meter\squared} et r_s = \SI{0.212}{\micro\meter}, suivants [1] :

Altitude (\si{\micro\meter}) Nombre de sphérules (\propto)
5 100
35 47
65 23
95 12

en remplacant k_B = \flatfrac{\glssymbol{Na}}{R} dans l’exposant et en ajustant un modèle aux valeurs, le calcul donnera :

\glssymbol{Na}^\mathrm{1908} = \SI{7.5e23}{\per\mol}\textrm{,}

la valeur aujourd’hui définie est de :

\glsfull{Na}\textrm{.}

Capacité calorifique des solides

La thermodynamique, émergente au début du 19e siècle introduit des grandeurs intensives associées aux matériaux caractérisant la variation de température observée lors d’un transfert d’énergie thermique. On distingue différentes grandeurs selon les conditions opératoires, et nous nous intéressons ici aux solides soumis à des transferts thermiques sous pression constante. C’est la capacité calorifique molaire c_p que nous allons étudier : de nombreuses mesures ont été réalisées en 1819 par Louis Dulong et Alexis Petit. Ces derniers mirent en évidence une remarquable indépendance de la capacité calorifique molaire aux matériaux considérés.

La loi empirique de Dulong-Petit donne que : c_p \approx (\num{3.0 +- 0.2}) R = \SI{25 +- 2}{\joule\per\kelvin\per\mol} pour la majorité des solides [2].

Théorie cinétique des solides

Un modèle simple des solides permet de retrouver par la théorie la loi empirique de Dulong-Petit.

On considère un solide cristallin, où chaque atome (masse m) vibre autour d’une position d’équilibre sous l’influence de l’agitation thermique. On considère les atomes indépendants, et identiques.

On repère un atome aux coordonnées (x, y, z) relatives à sa position d’équilibre, et on suppose l’oscillation harmonique à 3 dimensions. L’énergie de cet atome s’écrit :

E_1(t) = \frac{1}{2} m (\dt{x}^2 + \dt{y}^2 + \dt{z}^2)
           + \frac{1}{2} k (x^2 + y^2 + z^2)
\textrm{.}

L’énergie interne moyenne du cristal s’écrit donc :

\avg{E} = N \qty(\frac{1}{2} m (\dt{x}^2 + \dt{y}^2 + \dt{z}^2)
            + \frac{1}{2} k (x^2 + y^2 + z^2))\textrm{.}

Entracte : théorème d’équipartition de l’énergie

Un résultat général se présente lorsque l’énergie microscopique d’un système s’écrit comme une somme dont certains termes sont proportionnels au carré d’un degré de liberté et indépendants entre eux.

Pour simplifier le calcul amorcé dans cette section, nous allons le démontrer maintenant.

Soit un système d’énergie E = aX^2 + E', où X est un degré de liberté du système et E' une énergie indépendante de X. La valeur moyenne de l’énergie aX^2 s’écrit :

\avg{aX^2} = \int_\mathcal{X}{aX^2 \dd\mathbb{P}(E(X))}
             = \frac{1}{Z}
               \int_\mathbb{X}{aX^2} e^{\frac{-E}{k_B T}} \dd X\textrm{.}

Trouver une bonne biblio (regarder [3])

Retour au calcul amorcé

On termine facilement en considérant une isotropie des trois directions :

\avg{E} = N \qty(6 \frac{k_B T}{2})
          = 3 N k_B T
          = 3 N \frac{R}{\glssymbol{Na}} T
            = 3 n R T\textrm{,}

d’où la capacité calorifique molaire :

c_p = \frac{1}{n} \pdv{E}{T} = 3 R\textrm{.}

Les écarts à l’expérience proviennent des approximations de ce modèle : particules indépendantes, potentiel harmonique isotrope, trois directions indépendantes.

Y en a-t-il d’autres ?

Modèle d’Einstein (1907)