LP17 : Rayonement d’équilibre thermique, corps noir

Rayonement et bilan radiatif [1]

Définition des flux

Émission

Fil chauffé au rouge avec un courant électrique.

Tout corps convertit une partie de son énergie interne en rayonnement thermique. Il emmet par sa surface par unité de temps une certaine quantité d’énergie que l’on décrit mathématiquement comme un flux noté \phi_e homogène à une puissance.

Absorption

Lorsqu’un corps reçoit de l’énergie via un flux incident sur sa surface, noté \phi_i, une partie peut être transformée en énergie interne. On définit un flux absorbé \phi_a. La fraction du flux incident qui va être absorbée dépend de manière générale de la longueur d’onde.

Réflexion, diffusion

La partie du flux incident qui n’est pas absorbée peut être réfléchie (renvoyée dans une direction particulière), ou diffusée (renvoyée dans toutes les directions). On note la somme de ces deux termes \phi_r. Le rayonnement réfléchit ou diffusé l’est à la même longueur d’onde que le rayonnement incident, mais là encore la fraction de flux qui est réfléchie ou diffusée est fonction de la longueur d’onde.

Transparence, opacité, exemples

Enfin, la partie du flux incident qui n’est ni absorbée ni réfléchie se comporte de manière indifférente à la présence du corps : elle le traverse. De manière catégorique on caractérisera ce type de milieux de transparents et les autres d’opaques, pour différents domaines de longueurs d’onde.

Le verre, par exemple, est un milieu transparent pour les longueurs d’ondes du visible, mais il ne l’est pas pour les longueurs d’ondes de l’infrarouge.

Une salade nous apparait verte, car elle ne diffuse que les longueurs d’ondes du vert et absorbe les autres longueurs d’ondes visibles.

Faire un schéma avec des grosses flèches, pour la salade et le verre.

Dans la suite, nous allons nous restreindre aux corps opaques sur tout le spectre.

Relations entre les flux

Flux incident

Le flux incident est soit réfléchit, soit diffusé, soit absorbé :

\phi_i = \phi_r + \phi_a\textrm{.}

Flux partant

Le flux partant correspond à la somme du flux émis et du flux réfléchit :

\phi_p = \phi_e + \phi_r\textrm{.}

Équilibre radiatif

On dit qu’un corps opaque est en équilibre radiatif avec le rayonnement s’il n’emmagasine pas et ne perds pas d’énergie via le rayonnement, ce qui revient à :

\phi_p = \phi_i \implies \phi_e = \phi_a\textrm{.}

Notons qu’un corps en équilibre radiatif peut recevoir de l’énergie via un autre processus : l’équilibre radiatif n’implique pas l’équilibre thermodynamique.

Le problème du corps noir

Problématique

Avec un spectrophotomètre, montrer le spectre du fil chauffé, puis du Soleil, puis d’une lampe à filament.

Le spectrophotomètre permet de mesurer une fraction du flux émis par le corps chauffé. L’appareil mesure une énergie reçue (sur le capteur) pendant une durée d’intégration \delta t pour chaque domaine de longueur d’onde de largeur \delta \lambda. Sur le spectre on lit en ordonnée cette énergie par unité de surface par unité de temps par domaine de longueur d’onde. On peut définir plusieurs grandeurs toutes liées par des facteurs géométriques de surfaces ou d’angles (luminance, exitance, densité d’énergie), mais ce qui nous intéresse, c’est la dépendance de ces grandeurs à la longueur d’onde.

Le spectre d’émission des corps chauds semble être approximable par une loi universelle fonction de la température, puisque la forme de la courbe est identique pour deux objets différents, mais à la même température.

Vers la fin du 19e siècle les physiciens cherchèrent une modélisation qui permettrait de décrire ce phénomène et de fournir une expression mathématique du spectre. Pour s’affranchir de complications, il semble judicieux de considérer en premiers lieux des objets dont le rayonnement partant est indépendant de leur environnement, autrement dit des objets tels que \phi_p = \phi_e soit \phi_r = 0 et donc \phi_i = \phi_a. Ces objets absorbent tout le rayonnement incident, on les appelle corps noirs, mais attention : ils n’apparaissent pas noirs, puisqu’ils émettent un rayonnement dans le visible ; leur appellation est due à leur spectre d’absorption.

Nous décrirons le spectre en terme d’énergie rayonnée par unité de temps par unité de surface par domaine de longueur d’onde, grandeur notée : F_e(\lambda, T) exprimée en \si{\watt\per\meter\squared\per\meter} telle que : \int_0^\infty F_e(\lambda, T) \dd\lambda = \flatfrac{\phi_e(T)}{S}.

La loi de Wien

Dès 1869, Wien propose une relation empirique résultat d’un ajustement de la courbe mesurée :

F_e(\lambda, T) = \frac{\SI{3.7e-16}{\watt\metre\squared}}{\lambda^5}
                    \frac{1}{e^{\frac{\SI{0.014}{\meter\kelvin}}{\lambda T}}}\textrm{,}

mais le graphe de cette fonction présente un petit écart à l’expérience pour les grandes longueurs d’ondes. Surtout, il s’agit d’une relation empirique à laquelle les physiciens voulaient apporter une explication physique.

Le modèle de Rayleigh [2]

En 1900, Rayleigh propose un modèle issu de la physique statistique et qui semble correct à l’ensemble des physiciens. Il annonce :

F_e(\lambda, T) \propto \frac{c}{\lambda^4}
                          \frac{\int_0^\infty E e^{\flatfrac{-E}{k_B T}} \dd E}
                               {\int_0^\infty e^{\flatfrac{-E}{k_B T}} \dd E}
                  = \frac{c}{\lambda^4} k_B T\textrm{.}

Mais le spectre d’émission donné par ce modèle est très différent du spectre expérimental en particulier, il est monotone et présente une divergence aux courtes longueurs d’ondes.

Explication

Considérons une cavité cubique d’arête a, dans laquelle existe un champ électromagnétique que l’on peut décomposer comme somme d’ondes stationnaires. Ces ondes existent à condition que la longueur a soit un multiple entier de demi-longueur d’onde, de sorte que :

\sin(\frac{a}{\lambda}) = 0
  \implies \frac{a}{\lambda} = n \pi, n \in \mathbb{Z}
  \implies k \defeq \frac{2\pi}{\lambda} = \frac{n \pi}{a}\textrm{.}

Si l’on se ramène aux trois dimensions, on pourra écrire :

\begin{align*}
    k_x &= \frac{n_x \pi}{a} \\
    k_y &= \frac{n_y \pi}{a} \\
    k_z &= \frac{n_z \pi}{a}
\end{align*}

Les vecteurs d’ondes décrits par les nombres \{n_x, n_y, n_z\} tels que la somme de leurs carrés prend la même valeur (par exemple : \{1, 1, 4\} et \{3, 3, 0\}) correspondent à des ondes de mêmes longueurs d’ondes, mais de direction différente. Cependant, les vecteurs d’ondes décrits par les nombres \{n_x, n_y, n_z\} et les nombres \{-n_x, n_y, n_z\} décrivent les mêmes ondes stationnaires (il en va de même pour les autres composantes) : il faut donc restreindre les valeurs prises par les n_i à l’ensemble \mathbb{N}.

Dans l’espace des états d’ondes stationnaires, divisé en volumes \qty(\frac{\pi}{a})^3, le huitième positif du cadrant de la couche sphérique délimitée par les boules de rayons k et k + \dd k a un volume :

\frac{1}{8} 4 \pi k^2 \dd k = \frac{1}{2} \pi k^2 \dd k\textrm{,}

en tenant compte des deux polarisations possibles pour chaque vecteur d’onde elle contient \dd N_k états d’ondes stationnaires :

\dd N_k
  = 2 \frac{\flatfrac{\pi k^2 \dd k}{2}}{\qty(\flatfrac{\pi}{a})^3}
  = \frac{a^3 k^2 \dd k}{\pi^2}\textrm{,}

nombre que l’on peut exprimer en fonction de la longueur d’onde associée à k : (k = \frac{2\pi}{\lambda} \implies \dd k = \frac{2\pi}{\lambda^2}\dd\lambda)

\dd N_\lambda
  = \frac{8 a^3 \pi \dd \lambda}{\lambda^4}\textrm{.}

On définit la densité d’états par unité de volume, \rho(\lambda), comme :

\rho(\lambda) \dd \lambda
  \defeq \frac{\dd N_\lambda}{a^3}
  = \frac{8 \pi}{\lambda^4} \dd \lambda\textrm{.}

On s’intéresse maintenant à la densité d’énergie associée aux ondes stationnaires de longueurs d’ondes comprises entre \lambda et \lambda + \dd \lambda : elle s’écrit comme \rho(\lambda) multiplié par l’énergie moyenne des états \avg{\epsilon(\lambda, T)} :

u(\lambda, T)
  = \rho(\lambda) \avg{\epsilon(\lambda, T)}\textrm{,}
avec :
\avg{\epsilon(\lambda, T)}
  = \int_0^\infty\epsilon p(\epsilon) \dd \epsilon\textrm{,}

p(\epsilon)\dd\epsilon est la probabilité pour que l’énergie d’un état se situe entre \epsilon et \epsilon + \dd \epsilon.

En faisant l’hypothèse que les ondes stationnaires sont réparties en énergie selon une statistique de Maxwell-Boltzmann, on aura :

p(\epsilon) = \frac{e^{\frac{-\epsilon}{k_B T}}}
                     {\int_0^\infty e^{\frac{-\epsilon}{k_B T}} \dd \epsilon}\textrm{,}

d’où, après calcul :

\avg{\epsilon(\lambda, T)} = k_B T\textrm{,}

finalement :

u(\lambda, T) = \frac{8 \pi}{\lambda^4} k_B T\textrm{.}

Alors, l’énergie rayonnée par les états de longueurs d’ondes comprises entre \lambda et \lambda + \dd \lambda est :

u(\lambda, T) \dd \lambda = \frac{8 \pi}{\lambda^4} k_B T \dd \lambda\textrm{,}

elle est émise à la vitesse c de sorte que le spectre associé soit :

F_e(\lambda, T) = c u(\lambda, T)
                  = \frac{8 \pi c}{\lambda^4} k_B T\textrm{.}

La solution de Planck [2]

Planck, qui cherchait une solution au problème se rendit compte que s’il remplaçait les intégrales \int_0^\infty \dd E par des sommes discrètes \sum_{n=0}^\infty n \epsilon alors le spectre devenait :

F_e(\lambda, T)
  \propto \frac{hc^2}{\lambda^5}\frac{1}{e^{\frac{hc}{\lambda k_B T}} - 1}\textrm{,}

à condition de poser \epsilon = h \flatfrac{c}{\lambda}. Cette substitution, qui constitue en fait une hypothèse de quantification du rayonnement, n’avait aucun fondement théorique, Planck lui-même n’était alors pas convaincu par le modèle qui impliquait que les transferts d’énergie par rayonnement se faisaient de manière discrète comme par un échange de particules. Cette description donna naissance à la mécanique quantique et au photon : objet d’une autre leçon.

La loi de Stefan-Boltzmann

La loi du déplacement de Wien

Applications

Soleil - Terre

Température d’équilibre, effet de serre.