LP26 : Propagation avec dispersion

Dans les leçons sur les ondes, nous travaillons souvent avec un outil mathématique très utile : l’onde plane progressive monochromatique (on utilise \z{X}(z, t) = x_0 e^{i(\omega t - k z + \phi)}), dont la propagation est décrite par l’équation de D’Alembert.

L’expérience a montré que les vitesses de propagation d’ondes planes de pulsations différentes sont, elles aussi, différentes. Dès lors, il semble compliqué de modéliser la propagation d’un signal avec l’équation de D’Alembert et les OPPM.

Dans cette leçon nous allons donc étudier la propagation de signaux composés : nous établirons des relations de dispersions plus générales que celles déjà connues (dans différents domaines de la physique), nous introduirons formellement le concept de paquet d’onde déjà évoqué, ainsi que les grandeurs appelées vitesse de groupe et vitesse de phase.

Ces notions présenteront des intérêts en communication, en mécanique quantique, et très généralement en modélisation de phénomènes physiques.

Une nouvelle équation de propagation

Nécessité et origine de la nouvelle équation

Nécessité

Signal ne dure pas depuis toujours : TF = signal composé = non harmonique ; + expérience (= dispersion) => D’Alembert à généraliser

Origine

On pourrait étudier un cas très abstrait où c = \fof(\omega) directement dans D’Alembert mais, en général, on peut modéliser le milieu et obtenir une équation différentielle meilleure que D’Alembert.

Exemple : ondes sur une corde vibrante [1]

Sur la corde vibrante, l’équation de propagation obtenue, lorsque l’on prend en compte des frottements fluides avec l’air proportionnels à la vitesse, est :

\pdv[2]{y}{x} - \frac{\mu}{T_0} \pdv[2]{y}{t} = \beta \pdv{y}{t}\textrm{,}

où \mu est la masse linéique, T_0 la tension dans la corde, \beta un coefficient de frottement (\si{\second\per\meter\squared} = \si{(\kilogram\per\meter\per\second)\per\newton}).

Parfois, lorsque les vitesses sont grandes, on modélise les frottements par une force \propto \qty(\pdv{y}{t})^2. On peut aussi faire ce choix ici, mais nous allons voir qu’il rendra la situation plus compliquée.

Équation linéaire, décomposition harmonique

On considère des ondes quelconques dans un milieu quelconque, régit par une équation différentielle du type :

\pdv[2]{s}{x} - \frac{1}{c^2} \pdv[2]{s}{t} = f(s)\textrm{.}

Le premier membre correspond à ce que l’on connait déjà, le second membre va nous permettre de généraliser. L’une des propriétés très utiles utilisées jusqu’ici dans l’étude des ondes des équations différentielles est que, lorsque l’équation est linéaire les combinaisons linéaires de solutions sont aussi solution. Cela, associé aux travaux de Fourier sur les ondes, nous permettait d’étudier une seule onde plane progressive monochromatique.

Si la fonction f(s) est linéaire, le raisonnement reste valide : on peut étudier la propagation d’une seule composante, généraliser le résultat aux autres et utiliser la transformée de Fourier pour étudier la propagation d’un signal. C’est pourquoi, sur la corde vibrante, il sera plus aisé d’étudier les cas où l’on considère des frottements \propto \pdv{y}{t}.

Dans d’autres domaines de la physique, l’étude du milieu de propagation permet très souvent d’écrire une relation linéaire, dans le cadre de certaines approximations, quelque exemples sont regroupés dans le tableau ci-dessous. On y trouvera aussi l’équation différentielle pour l’OPPM en notation complexe, choisie avec la convention pour les signes : \z{s}(x, t) = s_0 e^{i(\omega t - k x)}.

\begin{table}[H]
    \centering
    \begin{tabular}{>{\centering\arraybackslash}m{.2\linewidth}|c|c}
        Domaine
            & Équation différentielle
                & Représentation harmonique \\
        Corde vibrante avec frottements $y(x, t)$
[@dunodpsi]
            &
            \(\displaystyle
                \pdv[2]{y}{x} - \frac{\mu}{T_0} \pdv[2]{y}{t}
                = \beta \pdv{y}{t}
            \)
            &
            \(\displaystyle
                k^2 \z{y} - \frac{\mu}{T_0} \omega^2 \z{y}
                = - i \omega \beta \z{y}
            \)
            \\
        Plasma $\vb{E}(x, t)$
[@lyceenaval]
            &
            \(\displaystyle
                \pdv[2]{\vb{E}}{x} - \frac{1}{c^2} \pdv[2]{\vb{E}}{t}
                = \mu_0 \sigma \pdv{\vb{E}}{t}
            \)
            &
            \(\displaystyle
                k^2 \z{\vb{E}} - \frac{1}{c^2} \omega^2 \z{\vb{E}}
                = - \frac{\omega_p^2}{c^2} \z{\vb{E}}
            \)
            \\
        Câble coaxial avec pertes $u(x, t)$
[@dunodpsi]
            &
            \(\displaystyle
                \pdv[2]{u}{x} - \frac{1}{c^2} \pdv[2]{u}{t}
                = (r\Gamma + \Lambda g) \pdv{u}{t}
            \)
            &
            \(\displaystyle
                k^2 \z{u} - \frac{1}{c^2} \omega^2 \z{u}
                = - i \omega (r\Gamma + \Lambda g) \z{u}
            \)
            \\
    \end{tabular}
\end{table}

En reprenant la corde vibrante, nous pouvons obtenir une relation entre k et \omega :

k^2 = \frac{\mu}{T_0} \omega^2 - i \omega \beta
  \implies
  \z{k}(\omega) = k'(\omega) - i k''(\omega)\textrm{.}

Cette relation est la relation de dispersion que nous allons interpréter.

Relation de dispersion

Pour la propagation d’une onde dans un milieu où la relation de dispersion est connue, on écrit pour l’onde plane monochromatique :

\z{s}(x, t) = s_0 e^{i(\omega t - \z{k} x)}
              = s_0 e^{i(\omega t - k'x)} e^{-k'' x}\textrm{.}

On lit dans cette écriture, que la partie réelle k' de k va jouer un rôle similaire à celui déjà connu, tandis que la partie imaginaire k'' va modifier l’amplitude de l’onde au cours de sa propagation, plus précisément elle va (en général, sauf dans certains milieux actifs) l’atténuer avec k'' > 0, sur une distance caractéristique \delta = \frac{1}{\abs{k''}}.

La vitesse de propagation de cette onde plane monochromatique est déterminée en suivant un plan d’onde entre deux instants (on fait abstraction de l’atténuation) :

\begin{align*}
    \z{s}(x, t)
    = \z{s}(x + \dd x, t + \dd t)
    &\implies
    \omega t - k'(\omega) x
    = \omega (t + \dd t) - k'(\omega) (x + \dd x)
    \\
    &\implies
    0
    = \omega \dd t - k'(\omega) \dd x
    \\
    &\implies
    v_\phi
    \defeq \dv{x}{t}
    = \frac{\omega}{k'(\omega)}
\end{align*}

On l’a vu, k'(\omega) n’est pas forcément une relation de proportionnalité. Cette vitesse, dite vitesse de phase va donc dépendre de la fréquence de l’OPPM dans les milieux dispersifs (où k' \neq \flatfrac{\omega}{c}).

Pour la corde, si l’on supprime les frottements, on retrouve bien la relation de dispersion k' = \frac{\omega}{\flatfrac{T_0}{\mu}} et donc une vitesse de phase \flatfrac{T_0}{\mu} indépendante de la fréquence, et k'' = 0.

Le plasma est un cas d’étude intéressant, car la relation de dispersion :

k^2 = \frac{\omega^2 - \omega_p^2}{c}
  \implies
  k = \frac{1}{c} \sqrt{\omega^2 - \omega_p^2}\textrm{,}

va permettre de distinguer aisément deux domaines de fréquences. La pulsation \omega_p appelée pulsation plasma ; pour \omega > \omega_p, k = k' \in \mathbb{R} tandis que pour \omega < \omega_p, k = i k'' \in i \mathbb{R}. Le premier cas correspond à un milieu dispersif non absorbant, le second cas correspond à un milieu absorbant (pas de propagation). On étudie donc, dans la suite, la propagation d’ondes électromagnétiques dans un plasma, la vitesse de phase étant donnée par : v_\phi(\omega) = \frac{c}{\sqrt{1 - \flatfrac{\omega_p^2}{\omega^2}}} > c.

La propagation d’ondes électromagnétiques dans un plasma peut sembler très théorique, mais notons que l’une des couches atmosphériques (l’ionosphère \SIrange{90}{120}{\kilo\meter}, voir Wikipédia pour plus de détails) est constitué de gaz peu dense, en permanence ionisé par le rayonnement solaire. L’ionosphère constitue alors un bon exemple de plasma. La communication avec des satellites nécessite de traverser cette couche atmosphérique.

On a noté en toute légèreté : v_\phi > c, ce résultat doit interpeler. Dès l’introduction à cette leçon, nous discutions le problème que posent les ondes planes progressives monochromatiques : dans des milieux dispersifs elles ne se propagent pas toutes à la même vitesse, et ne sont mathématiquement correctes que pour des étendues temporelle et spatiale infinies, elles restent malgré cela de bons outils de calculs. Lorsque l’on veut envoyer un signal on émet une onde finie, alors nécessairement composée de plusieurs fréquences (sa transformée de Fourier n’est pas un pic de Dirac, ça n’est pas une OPPM). Nous allons maintenant étudier la propagation d’un signal réel pour voir si lui aussi se propage avec une vitesse supérieure à c.

Propagation de paquets d’ondes

Signaux réels, mais simples

Plutôt qu’une OPPM, on veut un « bip » si possible simple à exprimer en terme d’onde.

Nous avons déjà mentionné que la linéarité de l’équation de propagation nous permet d’utiliser des combinaisons linéaires de solutions pour en trouver d’autres. Les OPPM sont des solutions, nous allons alors créer une autre solution \z{s}(x, t) :

\z{s}(x, t) = \int_{-\infty}^{+\infty} s_0(\omega) e^{i(\omega t - k(\omega) x)} \dd \omega\textrm{,}

choisissons s_0 assez simple, du type s_0(\omega) = e^{\flatfrac{(\omega - \omega_0)^2}{2 \sigma^2}}.

Évolution [2]

Pour \sigma \ll \omega_0, nous dirons que seul les composantes \omega proches de \omega_0 ont de l’importance. Nous pourrons étudier la relation de dispersion au premier ordre :

k(\omega) \approx k_0 + (\omega - \omega_0) \eval{\pdv{k}{\omega}}_{\omega_0}
  \qq{avec}
  k_0 = k(\omega_0)\textrm{.}

Alors en calculant l’amplitude \z{s}(x, t) :

\begin{align*}
    \z{s}(x, t)
    &= \int s_0(\omega) e^{i \qty(
        \omega t
        - k_0 x
        - (\omega - \omega_0) \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0} x
    )} \dd \omega
    \\
    &= e^{i \qty(- k_0 x + \omega_0 \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0} x)}
        \int s_0(\omega)
        e^{i \qty(\omega t - \omega \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0})}
            \dd \omega
    \\
    &= e^{i \qty(- k_0 x + \omega_0 \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0} x)}
        \int s_0(\omega)
        e^{i \omega \qty(t - \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0})}
            \dd \omega
    \\
    &= e^{i \qty(- k_0 x + \omega_0 \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0} x)}
        \int s_0(\omega)
        e^{i \omega t'}
            \dd \omega
\end{align*}

en posant t' = t - \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0}, on reconnait alors :

\z{s}(x, t) = e^{i \qty(- k_0 x + \omega_0 \eval{\dv{k}{\omega}}_{\omega_0} x)} \z{s}(0, t')\textrm{.}

Le signal s en x à l’instant t correspond au signal qui était en x=0 à l’instant t' = t - \frac{1}{v_g} x, avec v_g = \dv{\omega}{k} sa vitesse de groupe. On peut comprendre graphiquement, en traçant s(x, t) à plusieurs instants successifs.

\pyimgen{paquet_donde}

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