LP31 : Présentation de l’optique géométrique à l’aide du principe de Fermat

Niveau : L1

Prérequis :

Le 25 mars 2019 à 19:12 une photo du coucher de Soleil a été prise à Berck-Plage.

\url{https://www.infoclimat.fr/photolive-photos-meteo-241327-coucher-de-soleil.html#photo6}

Le logiciel de planétarium Stellarium permet de simuler cette situation en précisant les coordonnées GPS et l’heure.

\software{./documents/coucher\_sol\_stellarium\_noatmo.png}

Il y a un problème : d’après le logiciel et donc, d’après l’équation horaire pourtant très précise de la trajectoire du Soleil, ce dernier se trouvait à la position et à l’heure indiquée sous l’horizon. Nous ne voulons pas incriminer le photographe, et nous allons chercher une explication à ce phénomène.

L’optique géométrique du lycée nous apprend que la lumière se propage en ligne droite dans les milieux homogène, et les lois de Snell-Descartes pour la réflexion et la réfraction permettent de calculer l’angle de déviation des rayons lumineux au passage d’un dioptre, un dioptre étant la surface qui sépare deux milieux d’indices de réfraction différents. L’atmosphère est un milieu inhomogène que l’on peut modéliser comme une infinité de dioptres : cela va expliquer le problème que nous étudions, mais il sera difficile d’appliquer les lois de Snell-Descartes.

Envoyer le rayon d’un laser dans une longue cuve d’eau (\approx \SI{40}{\centi\metre}) saturée en sucre et ayant reposée de sorte à créer un gradient d’indice.

Dans cette leçon, nous allons découvrir un principe physique qui sert aujourd’hui de fondement à l’optique géométrique. Le principe de Fermat, postulé en 1657 permet d’unifier les lois expérimentales de Snell-Descartes (984 puis 1621) sous une seule expression mathématique et permet d’étudier des phénomènes plus compliqués.

On se place dans un cadre d’optique géométrique sans phénomènes de diffraction ou d’interférences. On se place aussi dans le cadre d’indices de réfraction réels : pas d’atténuation, pas d’anisotropie.

Le principe de Fermat

Chemin optique

Pour la lumière qui se déplace en ligne droite sur une distance l dans un milieu d’indice n, on appelle chemin optique la grandeur \mathcal{L} = n l. On généralise cette définition à une trajectoire courbe \mathcal{C} de A à B, paramétrée par un déplacement élémentaire \dd s dans des milieux d’indices variables n(P) par l’intégrale curviligne :

\mathcal{L} = \int_\mathcal{C} n(P) \dd s

\begin{figure}[H]
    \centering
    \begin{tikzpicture}
        \coordinate (A) at (0, 0);
        \coordinate (B) at (3, 1);
        \draw (A) node[anchor=north]{$A$};
        \draw (B) node[anchor=south]{$B$};
        \draw (A) to[out=+120,in=-40] node[below]{$\mathcal{C}$} (B);
    \end{tikzpicture}
\end{figure}

On rappelle que l’indice optique donne le rapport entre la célérité de la lumière dans le vide et la célérité dans le milieu de sorte que : v = \flatfrac{c}{n} = \dv*{s}{t} avec c \defeq \SI{299792458}{\meter\per\second}. Ainsi, le chemin optique s’exprime :

\mathcal{L} = \int_\mathcal{C} n(P) \frac{c}{n(P)} \dd t
              = c \int_\mathcal{C} \dd t
              = c \Delta t\textrm{,}

on comprend que le chemin optique correspond à la distance qu’aurait dû parcourir la lumière si elle était dans le vide pour que la durée du parcourt soit la même que celle du parcourt effectivement suivit dans la matière.

Énoncé du principe

« La lumière se propage d’un point à un autre sur des trajectoires telles que le chemin optique soit extrêmal. »

Précisions le terme extrêmal. On considère le chemin \mathcal{C} entre A et B et le chemin \mathcal{C'} qui est une variation infinitésimale de \mathcal{C}, mais avec A et B inchangés.

\begin{figure}[H]
    \centering
    \begin{tikzpicture}
        \coordinate (A) at (0, 0);
        \coordinate (B) at (3, 1);
        \draw (A) node[anchor=north]{$A$};
        \draw (B) node[anchor=south]{$B$};
        \draw (A) to[out=+120,in=-40] node[below]{$\mathcal{C}$} (B);
        \draw[dashed] (A) to[out=+120,in=-40,distance=2cm] node[above]{$\mathcal{C'}$} (B);
    \end{tikzpicture}
\end{figure}

Le chemin optique \mathcal{L} et le chemin optique \mathcal{L'} sont différents, mais cette différence est nulle au premier ordre si \mathcal{C} est le chemin effectivement suivi par la lumière.

Conséquences et applications : retrouvons l’optique géométrique

Propagation en ligne droite dans les milieux homogènes

On considère un milieu d’indice n, le chemin optique entre deux points A et B est :

\mathcal{L} = \int_\mathcal{C} n \dd s
              = n \int_\mathcal{C} \dd s\textrm{,}

il s’agit donc d’extrémaliser la distance géométrique entre A et B, ce qui s’obtient avec la ligne droite (la distance est minimale, mais n’as pas de borne supérieure et n’est donc jamais maximale).

Principe du retour inverse de la lumière

On considère un chemin \mathcal{C} de A à B effectivement suivi par la lumière, de sorte que \mathcal{L} = \int_\mathcal{C} n \dd s soit extrémal. Le calcul de \mathcal{L'} = \int_\mathcal{C} n \dd s' en parcourant \mathcal{C} dans le sens inverse (de B à A) va nécessairement donner \mathcal{L} = \mathcal{L'} donc ce dernier est, lui aussi, extrémal.

Lois de Snell-Descartes

Préambule

On considère deux points A et B. La distance géométrique AB = \va{AB}\dotproduct\va{u} peut se différencier pour donner :

\begin{align*}
    \dd AB
    &= \dd\va{AB}\dotproduct\va{u} + \va{AB}\dotproduct\dd\va{u}
    \\
    &= (\va{\dd B} - \va{\dd A})\dotproduct\va{u} + \va{0}
\end{align*}

On considère maintenant deux milieux 1 et 2 d’indices n_1 et n_2 séparés par un dioptre \mathcal{D}. Dans 1 se trouve le point A et dans 2 se trouve le point B. On cherche le point I par lequel passe la lumière qui va de A à B.

\begin{figure}[H]
    \centering
    \begin{tikzpicture}
        \draw (-2, 1) -- (4, 1);
        \node at (-1, 1.5) {$n_1$};
        \node at (-1, 0.5) {$n_2$};
        \node[anchor=east] at (-2, 1) {$\mathcal{D}$};
        \coordinate (A) at (0, 2);
        \coordinate (I) at (1.3, 1);
        \coordinate (I') at (0.6, 1);
        \coordinate (B) at (2, 0);
        \draw (A) node[anchor=south east]{$A$};
        \draw (I) node[anchor=south]{$I$};
        \draw (I') node[anchor=north]{$I'$};
        \draw (B) node[anchor=north west]{$B$};
        \draw (A) -- (I) -- (B);
        \draw[dashed] (A) -- (I') -- (B);
    \end{tikzpicture}
\end{figure}

Le chemin optique entre A et B et sa différentielle s’écrivent :

\begin{gather*}
    \mathcal{L}
    = n_1 AI + n_2 IB
    \\
    \dd\mathcal{L}
    = n_1 (\va{\dd I} - \va{\dd A}) \dotproduct \va{u_1}
        + n_2 (\va{\dd B} - \va{\dd I}) \dotproduct \va{u_2}
    = \va{\dd I} (n_1 \va{u_1} - n_2 \va{u_2})
\end{gather*}

la dernière égalité découlant du fait que l’on s’intéresse à des points A et B fixés. Ainsi, le chemin effectivement suivi étant celui qui extrémalise \mathcal{L}, on écrit :

\begin{gather*}
    \dd\mathcal{L}
    = \va{\dd I} (n_1 \va{u_1} - n_2 \va{u_2})
    = 0
    \implies
    (n_1 \va{u_1} - n_2 \va{u_2})
    \perp
    \va{\dd I}
    \in
    \mathcal{D}
\end{gather*}

on trouve que la quantité vectorielle n_1 \va{u_1} - n_2 \va{u_2} doit être perpendiculaire au dioptre. On notera (n_1 \va{u_1} - n_2 \va{u_2}) \parallel \va{N} la normale au dioptre.

Réflexion

Dans le cas de la réflexion, n_2 = n_1 = n alors :

\begin{alignat*}{2}
    n \va{u_1} - n \va{u_2}
    = a \va{N}
    &\implies&
    \va{u_2}
    &= - \frac{a}{n} \va{N} + \va{u_1}
    \\
    &\implies&
    \va{N} \crossproduct \va{u_2}
    &= \va{N} \crossproduct(- \frac{a}{n} \va{N} + \va{u_1})
    \\
    &\implies&
    \sin(\va{N}, \va{u_2})
    &= \sin(\va{N}, \va{u_1})
    \\
    &\implies&
    i_2
    &= -i_1
\end{alignat*}

Réfraction

Même principe.

Conséquences et applications : retour au coucher de Soleil [1]

L’équation du rayon lumineux

Dans un milieu d’indice variable (suivant l’altitude y), le chemin optique s’écrit :

\mathcal{L} = \int_\mathcal{C} n(y) \dd s\textrm{,}

avec :

\dd s = \sqrt{{\dd x}^2 + {\dd y}^2}
        = \dd x \sqrt{1 + \qty(\dv{y}{x})^2}
        = \dd x \sqrt{1 + y'^2}\textrm{,}

d’où :

\mathcal{L} = \int_\mathcal{C} n(y) \sqrt{1 + y'^2} \dd x
              = \int_\mathcal{C} f(x, y(x), y'(x)) \dd x\textrm{.}

Pour résoudre le problème d’extrémalisation, on peut utiliser l’équation d’Euler-Lagrange qui y est équivalente.

On considère un chemin \mathcal{C} = y(x) et une variation infinitésimale \mathcal{C'} = y(x) + \epsilon g(x) qu’on associe aux chemins optiques \mathcal{L} et \mathcal{L'}[y] = \mathcal{L}[y + \epsilon g] de sorte que :

\begin{align*}
    \mathcal{L}[n+\epsilon]
    &= \int_A^B f[y + \epsilon g, y' + \epsilon g'] \dd x
    \\
    &= \int_A^B \qty(f[y, y']
        + \pdv{f}{y} \epsilon g(x)
        + \pdv{f}{y'} \epsilon g'(x)) \dd x
    \\
    &= f[y, y']
        + \epsilon \int_A^B \pdv{f}{y} g(x) \dd x
        + \epsilon \int_A^B \pdv{f}{y'} g'(x) \dd x
\end{align*}

À l’aide de l’intégration par partie :

\int_A^B \pdv{f}{y'} g'(x) \dd x = \qty[\pdv{f}{y'} g(x)]_A^B
                                     - \int_A^B \dv{t}(\pdv{f{y'}}) g(x) \dd x\textrm{,}

où le premier terme est nul car g(x_A) = 0 = g(x_B), on obtient :

\mathcal{L}[n+\epsilon] = f[y, y']
                            + \epsilon \int_A^B \pdv{f}{y} g(x) \dd x
                            - \int_A^B \dv{t}(\pdv{f{y'}}) g(x) \dd x\textrm{,}

donc :

\dd \mathcal{L} = \epsilon\int_A^B \qty(\pdv{f}{y} - \dv{x}(\pdv{f}{y'})) g(x)\dd x\textrm{.}

Pour les solutions f[y] extrêmales, \dd \mathcal{L} = 0 pour g(x) arbitraire donc :

\pdv{f}{y} - \dv{x}(\pdv{f}{y'}) = 0\textrm{,}

c’est l’équation d’ Euler-Lagrange.

Adapté au problème, elle donne :

\begin{align*}
    \pdv{f}{y}
    &= \dv{x}(\pdv{f}{y'})
    \\
    \implies
    \pdv{n}{y} \sqrt{1 + y'^2}
    &= \dv{x}(\frac{ny'}{\sqrt{1 + y'^2}})
    \\
    \implies
    \pdv{n}{y} \sqrt{1 + y'^2}
    &= \dv{s}(ny')
    \\
    \implies
    \pdv{n}{y} \sqrt{1 + y'^2}
    &= \dv{s}(n\dv{y}{x})
    \\
    \implies
    \pdv{n}{y}
    &= \dv{s}(n\dv{y}{s})
\end{align*}

et de la même manière (en reprenant le calcul avec x(y)) :

\begin{align*}
    \pdv{n}{x}
    = \dv{s}(n\dv{x}{s})
\end{align*}

finalement (à 3D) :

\grad(n) = \dv{s}(n \qty[\dv{x}{s}\va{u_x}+\dv{y}{s}\va{u_y}+\dv{z}{s}\va{u_z}])
           = \dv{s}(n \va{u})\textrm{.}

Rayon de courbure du rayon lumieux

On retrouve de suite que dans un milieu homogène les rayons se propagent en ligne droite : n = \cst \implies \grad(n) = 0 \implies n\va{u} = \vcst.

Pour un milieu non homogène, on peut développer :

\grad(n) = \dv{s}(n \va{u})
           = n \dv{\va{u}}{s} + \va{u} \dv{n}{s}\textrm{.}

Le second terme qui est colinéaire à \va{u} correspond à la propagation dans le sens du rayon, alors que le premier terme colinéaire à \dd\va{u} correspond à la déviation dans la direction perpendiculaire. On définit le rayon de courbure comme :

\frac{1}{R} \defeq \dv{\va{u}}{s} \dotproduct \va{u_\perp}\textrm{,}

donc en projetant :

\grad(n) \dotproduct \va{u_\perp} = \frac{n}{R}
  \implies
  \frac{1}{R} = \frac{\grad(n) \dotproduct \va{u_\perp}}{n}\textrm{.}

On trouve que le rayon est toujours courbé vers les régions de fort indice, donc dans le sens du gradient ; il est d’autant plus courbé que le gradient d’indice est grand.

Remarque sur les fibres optiques

Dans les fibres optiques le cœur à toujours un indice plus grand. Pour les fibres à saut d’incide le gradient est infini (discontinuité) d’où le « rebond » (rayon de courbure nul).

Indice optique dans l’atmosphère

Trouver une description pour l’atmosphère : on trouvera que le gradient d’incide est dirigé vers le sol pour expliquer le phénomène au coucher de Soleil.

Le calcul explique égallement la courbure des rayons dans la manip. Ainsi que les mirages sur la route en été où cette fois le gradient d’indice est dirigé vers le ciel.