LP38 : Aspect corpusculaire du rayonnement, notion de photons
Niveau : L3
Prérequis :
- Corps noir et loi de Planck
- Électrostatique : principe de l’électroscope
- Relativité restreinte : quadrivecteur, conservations
Dans cette leçon, nous étudions les expériences qui ont mené les physiciens à émettre l’hypothèse, puis valider le modèle de l’existence d’une particule de lumière porteuse d’énergie et de quantité de mouvement : le photon. Il s’agit des tout début de la mécanique quantique.
Constante de Planck, quantification du rayonnement
Rayonnement du corps noir [1]
Voir leçon sur le corps noir.
Dans les années 1880, les premières mesures quantitatives de spectres électromagnétiques révélèrent que tous les corps chauds émettaient de la lumière selon un profil similaire. En 1896, Wien propose un modèle empirique valide pour les hautes fréquences. En 1900, Rayleigh propose un modèle théorique qui est conforme à l’expérience pour les basses fréquences.
Planck, qui cherchait une solution au problème se rendit compte que
s’il faisait l’hypothèse selon laquelle l’énergie associée au
rayonnement de fréquence
était
quantifiée sous la forme de paquets d’énergie :
(avec , la
constante ajourd’hui dite, constante de Planck) alors le modèle de
Rayleigh devenait valide.
Cette hypothèse n’avait aucun fondement théoriques, Planck lui même n’était alors pas convaincu par le modèle qui impliquait que les transferts d’énergie par rayonnement se faisaient de manière discrète comme par un échange de particules.
Effet photoélectrique [1] [2]
Préambule
Hertz, qui faisait des expériences d’électrostatique (en 1887) se rendit compte que s’il éclairait un électroscope chargé négativement avec de la lumière du domaine ultraviolet, les feuilles d’or se rapprochaient. S’il éclairait un électroscope chargé positivement avec la même lumière, les feuilles d’or s’éloignaient.
Les physiciens analysant le phénomène émirent une hypothèse selon laquelle le rayonnement UV pouvait arracher des électrons au métal.
Description
En 1905, Lenard étudia ce problème et fit des expériences quantitatives.
On place deux plaques mĂ©talliques face Ă face dans une enceinte Ă
vide ; un générateur de tension permet d’appliquer une tension réglable
entre
les deux plaques (qui sont donc des électrodes). L’ensemble constitue
une cellule photoélectrique. On mesure le courant entre les
plaques grâce à un ampèremètre, et on éclaire l’une des plaques (définie
comme cathode) avec une source monochromatique réglable (fréquence
).
La première expérience consiste à se placer dans le cas où
(pas
de générateur). On constate qu’il existe une fréquence seuil
Ă
partir de laquelle le courant passe avec une discontinuité de
Ă
.
Mesures
Si les électrons se déplacent de la cathode à l’anode, c’est qu’ils
sont porteurs d’une certaine énergie cinétique. L’utilisation du
générateur de tension va permettre de générer un champ électrique entre
les électrodes, et donc d’accélérer ou freiner les électrons. Si l’on
trouve une tension limite
pour
laquelle le courant
devient nul, nous pourrons mesurer l’énergie cinétique qu’ont les
électrons au moment où ils quittent la cathode. Effectuons un bilan
d’énergie sur les électrons (charge
) :
On notera : . On se
demande à quel moment un courant est mesuré : pour mesurer un courant,
il faut que les électrons arrivent jusqu’à l’anode. Autrement dit,
Si l’inégalité n’est pas vérifiée c’est que les électrons ne sont pas
parvenus jusqu’à l’anode. Nous trouvons donc un moyen expérimental de
mesurer :
avec la
tension
seuille sous laquelle il y a le basculement de
vers
.
Comme expérimentateur, nous avons un contrôle sur le potentiel
qui
créé entre les électrodes une différence d’énergie potentielle pour les
électrons
.
Concrètement, pour
on
mesure un courant électrique, et pour
, il
n’y a pas de courant. Tout autre paramètre fixés, la transition se fait
Ă
.
L’énergie
correspond à l’énergie cinétique des électrons qui viennent d’être
arrachés du métal, elle leur a été fournie par la lumière incidente
alors, par conservation de l’énergie on écrit :
Notons que, si
alors
nécessairement
car
l’électron n’est pas arraché du métal. Cela explique l’existence d’une
fréquence seuil
si
l’on considère que l’énergie du rayonnement augmente avec sa
fréquence.
L’énergie de liaison entre les électrons et le métal ne dépend que de ce dernier : nous la traiterons comme un constante donc,
Énergie fournie par le rayonnement aux électrons
Il semble que, pour un rayonnement de fréquence
fixée,
si l’on augmente l’intensité lumineuse
alors
l’énergie fournie à chaque électron va augmenter.
Donc, on s’attends à tracer des courbes
qui
vérifient :
. Mais
les constatations expérimentales ne vont pas dans ce sens. On constate
que
est
indépendante de
(
), mais
que
:
augmenter
augmente le nombre d’électrons qui circulent.
Finalement, modifier
ne
change pas l’énergie cinétique
des
Ă©lectrons arrachĂ©sPar contre, des expĂ©riences menĂ©es Ă
variable indiqueront que,
, et on
peut modéliser :
Il semble que l’énergie cinétique des électrons libérés dépende de la fréquence du rayonnement incident plutôt que de son intensité.
Nous avions par bilan d’énergie :
Et maintenant :
Si l’on identifie :
on obtient un moyen de déterminer l’énergie fournie par le
rayonnement à chaque électron. Les données expérimentales indiquent
, avec
qui
prend la valeur de la constante de Planck.
Ce résultat, indépendant de l’intensité de la lumière et dépendant de
la fréquence, met la physique classique en défaut. Il indique que
l’échange d’énergie entre la lumière et un électron se fait avec une
énergie fixée
(remarquons que cela confirme notre hypothèse qui expliquait l’existence
de la fréquence seuil
).
La constante étant en parfait accord avec la constante de Planck, Einstein raviva en 1905 l’idée de Newton selon laquelle la lumière serait constituée de particules d’énergie (qui furent appelées quantas) et que la matière pourrait les absorber. Mais le mécanisme d’échange n’était encore pas compris.
N’oublions pas que plus l’intensité lumineuse est importante plus
nombreux sont les échanges
() : le
nombre de quantas augmente avec
.
L’apparition du photon
Diffusion Compton (1923) [1] [2]
Faire un schéma de l’expérience et des spectres.
La diffusion Compton est observée pour la première fois en 1923 lors du bombardement de cibles en graphite par des rayons X. L’expérience montre que le spectre des rayons déviés par la matière comporte deux composantes : l’une de fréquence égale à la fréquence du rayonnement incident et l’autre moins importante.
Compton interprète ces données comme résultats d’une collision élastique entre un quanta se comportant comme une particule ponctuelle et un électron de la cible de graphite. Le transfert d’énergie associé à la collision se traduit par une modification de la fréquence du rayonnement.
Si l’on considère un quanta d’énergie
et
d’impulsion
qui
collisionne un électron au repos
(
)
d’énergie de masse
, les
bilans d’énergie et d’impulsion vont s’écrire :
Considérant les résultats de Planck et d’Einstein pour l’énergie d’un
quanta associé à un rayonnement de fréquence
, on
écrit :
par ailleurs,
En écrivant et
puis
en traitant les équations ([1]), on pourra obtenir :
oĂą est
l’angle auquel le rayonnement dévié est mesuré. Ce résultat est annoncé
sous l’hypothèse que la lumière peut-être traitée comme une particule
lors de collisions. Cette particule porteuse d’énergie serait aussi
porteuse d’une quantité de mouvement.
Les résultats surprenant de Compton eurent d’abord du mal à être acceptés mais finirent par convaincre les scientifiques qu’un modèle corpusculaire pouvait aussi être utilisé pour décrire la lumière. Ces particules furent appelées photons.
Le photon [2] [3]
Énergie
Comme nous l’avons vu, un photon porte l’énergie
, avec
et
.
Quantité de mouvement, masse, vitesse
Nous avons vu que l’énergie d’un photon est
, sa
quantité de mouvement est, par conséquent
, ce
que l’on écrit en relativité restreinte :
Puisqu’il est vecteur de la lumière, il se déplace à la même vitesse
( dans
le vide et,
dans
un milieu d’indice
).
Pour ordre de grandeur, la quantité de mouvement portée par un photon
du visible Ă
(
) est
d’environ
. Cette
valeur est très faible, mais il semblerait qu’avec une mole de photons
(
)
incidente chaque seconde, on obtiendrait une valeur de force
largement mesurable.
Nombre de photons [2], pression de radiation
Laser
Dans les expériences d’optiques, il est rare que l’aspect
corpusculaire de la lumière se manifeste. Estimons le nombre de photons
émis chaque seconde par un laser hélium-néon
(,
) de
puissance
.
Pendant
, le
laser délivre une énergie
.
L’énergie d’un photon est
alors
le nombre de photons est :
Ce nombre est élevé et explique que l’on ne perçoive pas l’aspect
granulaire de la lumière. Il reste cependant trop faible devant le
nombre d’Avogadro
()
pour envisager une poussée détectable
(
).
Voile solaire
Le flux énergétique solaire mesuré hors de l’atmosphère est lui de
l’ordre ,
l’énergie étant centrée autour du domaine de longueurs d’onde visibles,
une estimation Ă
prévoit une pression proche de
.
Pour accélérer une masse de
Ă
, la
surface utile sur laquelle les photons solaires seraient collectés
devrait être de l’ordre de
,
atteignable avec un carré de
de
côté. Ces valeurs semblent proches de l’irréel, mais l’agence
d’exploration aérospatiale japonaise à développé un démonstrateur de
voile solaire nommé IKAROS : le satellite de
constitué d’une voile en polymère réfléchissant de
et de
superficie
(carrée de côté
,
d’épaisseur
) peut
augmenter sa vitesse d’une dizaine de mètres par seconde chaque mois
(
).
Photo de IKAROS déployé en orbite, prise par la caméra ejectée http://global.jaxa.jp/press/2010/06/img/20100616_ikaros_3.jpg
Trajectoire de IKAROS, qui utilise sa voile solaire pour ajuster son orbite jusqu’à croiser Vénus : http://www.isas.jaxa.jp/e/forefront/2011/tsuda/image/fig_03.gif
Queue des comètes
Toujours dans l’espace, l’orientation de la queue de poussière des comètes s’explique par la pression de radiation exercée par le Soleil sur leur chevelure.
La comète périodique Encke découverte depuis Paris en 1786. Ici imagée par la NASA en 2007, « perdant » sa queue : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Encke_tail_rip_of.gif
Diagramme d’une comète (image NASA) : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Comet_Parts.jpg
Position de la queue avant et après le périhélie [4] : http://www.astro.ulg.ac.be/~demoulin/queue.gif
On pourra parler d’une expérience plus moderne [2] [3] dans laquelle on éclaire avec une source de photons uniques une lame semi-réfléchissante. Des détecteurs recueillent les faisceaux transmis et réfléchis, on constate qu’ils fournissent des signaux de pics brefs qui ne sont jamais simultanés.
On pourra ré-insister sur le caractère dual onde-corpuscule de la lumière en rappelant les résultats de l’expérience des fentes de Young à un photon.
Le moment cinétique
porté
par les photons de lumière polarisée circulairement n’a pas été évoqué,
mais on peut décrire l’expérience dans laquelle on mesure un couple
exercé par la lumière sur une lame biréfringente [5].
C’est suite à cette leçon que nous pourrons décrire les processus microscopiques d’interaction lumière-matière d’absorption et d’émission. En particulier, on reviendra vers la notion de quantité de mouvement des photons si l’on désire décrire les expériences de refroidissement d’atomes.